La Sainte-TrinitÉ
La Vie Trinitaire de Dieu est le Mystère des mystères de la Foi. Notre existence chrétienne a commencé par le Baptême donné au nom de cette vie; elle a été appelée à confesser, dès son premier instant, le Père, le Fils et l'Esprit; elle trouvera son achèvement éternel en participant à cette vie par la Vision Béatifique.
« La grâce du Seigneur Jésus, l’Amour de Dieu le Père et la communication du Saint Esprit soient avec vous tous », dit l'Apôtre Paul (2 Co 13, 13). « Dieu a envoyé dans nos coeurs l'Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père », écrit-il encore aux Galates (4, 6).
Ces proclamations trinitaires,  parmi beaucoup d'autres, formulent ce qu'avaient présenté, chacun à sa manière,  les évangélistes : le mystère de Dieu un et trine, que l’Église a d'abord  vécu dans ses sacrements et dans sa prière, avant de le défendre contre  l'hérésie et d'en essayer, par ses grands théologiens, une pénétration plus  profonde.
  Mystère, ces différences en Dieu  qui seules expriment la pleine réalité de l'indifférenciable unité de la  Nature divine.  Trois Personnes sont  cette Nature divine : le Père, le Fils, le Saint-Esprit.  Toute la Nature divine avec ses propriétés  est leur possession indivise. 
  L'unique fondement de leur différence  consiste dans les relations mutuelles par lesquelles, en raison de leur  origine, elles possèdent cette Nature : le Père, comme principe, sans  principe, du Fils et du Saint Esprit; le Fils, en raison de sa génération  éternelle par le Père et comme principe du Saint-Esprit; le Saint-Esprit, en  raison de sa procession du Père et du Fils comme d'un seul principe. 
              Ces  distinctions de Personne, ces relations, sont des différences réelles et non  purement notionnelles.  Et cependant  Personnes et Nature ne sont qu'une seule et même réalité. 
              
C'est pourquoi les Personnes elles-mêmes -- leur distinction étant sauve -- se compénètrent mutuellement de la façon la plus complète « si bien qu'en tout... on doit vénérer, et l'unité dans la Trinité, et la Trinité dans l'unité » (Quicumque ).
Les décisions du magistère de l’Église défendent le dépôt de la foi trinitaire contre une double attaque.
L'une menace la réalité des rapports entre la Nature divine et les Personnes divines, soit en abolissant la distinction réelle entre la Nature divine et les Personnes divines, soit en abolissant la distinction réelle des Personnes à force d'insister trop exclusivement sur l'unité de la Nature (sabellianisme ), soit en lésant l'unité de la Nature à force d'exagérer la distinction des Personnes (Trithéisme ).
L'autre compromet la conception catholique des relations réciproques entre les Personnes en faussant, soit la façon dont le Fils procède du Père (arianisme ), soit celle dont le Saint-Esprit procède du Père et du Fils (Macédonianisme ).
L'enseignement  de l’Église a porté sur la Nature et les Personnes divines.  On ne saurait oublier que la Foi chrétienne  est acceptation du dessein salvifique  des Trois Personnes.  
  Réalisé par  l'initiative du Père qui appelle les hommes et leur pardonne, il s'accomplit  par la mission du Fils, médiateur de l'Alliance parfaite et se continue dans  l’Église par l'action de l'Esprit sanctificateur.
            La  formation du dogme trinitaire, dans le contexte de la défense contre les hérésies  du premier siècle, est un sujet à part.   La vérité sur Dieu un et trine est le plus profond mystère de la foi et  aussi le plus difficile à comprendre : il y avait donc possibilité  d'interprétations erronées, spécialement quand le christianisme rencontra la  culture et la philosophie grecques.  
  Il s'agissait d'inscrire  correctement le mystère du Dieu un et trine dans la terminologie de la  philosophie de “ l'être ”, c'est-à-dire d'exprimer de manière  précise dans le langage de la philosophie de l'époque les concepts qui définissaient  de manière non équivoque aussi bien l'unité que la trinité du Dieu de notre  Révélation.
              Cela  advint surtout dans les deux grands Conciles oecuméniques de Nicée (325) et de  Constantinople (381).  Le fruit du  magistère de ces Conciles est le “ Credo ”  de Nicée-Constantinople par lequel, depuis ce temps-là, l’Église exprime sa  foi dans le Dieu un et trine : Père, Fils et Esprit-Saint.  En rappelant l'oeuvre des Conciles, il faut  nommer quelques-uns des théologiens qui se sont particulièrement illustrés,  spécialement parmi les Pères de l’Église.  
  Pour la période précédant Nicée,  citons Tertullien, Cyprien, Origène, Irénée; pour la période de Nicée,  Athanase et Ephrem; pour la période qui précède le Concile de Constantinople,  rappelons Basile le grand, Grégoire de Naziance et Grégoire de Nysse, Hilaire,  et pour finir Ambroise, Augustin, Léon le Grand.
              Du  Ve siècle, nous est parvenu ce que l'on appelle le Symbole d'Athanase, qui commence par le  mot “ Quicumque ”, et qui  constitue une sorte de commentaire du Symbole de Nicée-Constantinople.
              Le  “Credo du Peuple de Dieu”  de Paul VI confirme la foi de l’Église primitive quand il proclame :  « les liens mutuels constituant éternellement les trois Personnes, qui  sont chacune le seul et même être divin, sont la bienheureuse vie intime du  Dieu trois fois saint, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons concevoir  à la mesure humaine .  En vérité : ineffable et très Sainte Trinité -Dieu unique! »
                        1. Au terme du long travail de réflexion  mené par les Pères de l’Église et consigné dans les définitions des conciles,  l’Église parle du Père, du Fils et du Saint-Esprit comme de trois Personnes, qui subsistent dans  l'unité de l'identique substance divine.
              Dire  “ personne ” signifie se  référer à un être unique de nature rationnelle. L’Église antique précise  cependant tout de suite que la Nature intellectuelle en Dieu n'est pas multipliée  avec les Personnes; elle demeure unique, de sorte que le croyant peut proclamer  avec le Symbole Quicumque :  «  Non pas trois dieux, mais un unique Dieu ».
              Le  mystère se fait ici très profond : trois Personnes distinctes et un seul  Dieu.  Comment est-ce possible? La raison  comprend qu'il n'y a pas contradiction, parce que la trinité regarde les Personnes et l'unité la Nature Divine.  La  difficulté pourtant demeure : chacune des Personnes est le même Dieu; comment  peuvent-elles se distinguer réellement?
                          2. La réponse que notre raison balbutie  s'appuie sur le concept de “ relation ”.  Les trois Personnes divines se distinguent  entre elles uniquement par les relations qu'elles ont l'une avec l'autre, et  précisément par la relation de Père à Fils, de Fils à Père; de Père et Fils à  l'Esprit, d'Esprit à Père et Fils.  En  Dieu donc, le Père est pure paternité, le Fils pure filiation, l'Esprit-Saint  pur “ lien d'amour ” des deux, de sorte que les distinctions personnelles  ne divinisent pas la même et unique Nature divine des trois.
              Le  XIe Concile de Tolède (en 675) précise avec finesse :  « Ce qu'est le Père, il ne l'est pas en référence à soi mais en relation à  son Fils; et ce qu'est le Fils, il l'est, non pas en référence à soi mais en  relation au Père; de la même manière, l’Esprit-Saint, en tant qu'il est dit  Esprit du Père et du Fils, ne l'est pas en référence à soi mais relativement  au Père et au Fils ».
              Aussi  le Concile de Florence (en l'an 1442) a pu affirmer : « Ces trois Personnes  sont un unique Dieu (...) parce que unique est la substance des Trois, unique  l'essence, unique la Nature, unique la divinité, unique l'immensité, unique  l'éternité; car en Dieu tout est une seule chose là où il n'y a pas opposition  de relation ».
                          3. Les relations qui distinguent ainsi  le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et qui les tournent réellement l'un vers  l'autre dans leur être même, possèdent en elles-mêmes toutes les richesses de  lumière et de vie de la Nature divine, avec laquelle elles s'identifient  totalement.  Ce sont des relations  “ subsistantes ”, qui, en  vertu de leur élan vital, se font l'une à la rencontre de l'autre dans une  communion dans laquelle la totalité de la Personne est ouverture à  l'autre, paradigme suprême de la sincérité et de la liberté spirituelle  auxquelles doivent tendre les relations interpersonnelles humaines, toujours  très loin d'un tel modèle transcendant.
              A  cet égard, le Concile Vatican II observe : 
              « Quand  le Seigneur Jésus prie le Père pour que “ tous soient un comme nous sommes  un ”(Jn 17, 21-22), il ouvre  des perspectives inaccessibles à la raison et il nous suggère qu'il y a une  certaine ressemblance entre l'union des Personnes divines et celle des fils de  Dieu dans la vérité et l’amour.  Cette  ressemblance montre bien que l'homme, seule créature sur terre que Dieu a voulu  pour elle-même, ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de  lui-même » (Gaudium et Spes 24).
                          4. Si l'unité absolument parfaite des  trois Personnes divines est le sommet transcendant qui éclaire toute forme de  communion authentique entre nous, êtres humains, il est juste que notre  réflexion retourne souvent à la contemplation de ce mystère, auquel l’Évangile  fait souvent allusion. 
              Qu'il  suffise de rappeler les paroles de Jésus : « Moi et le Père, nous sommes un » (Jn 10, 30); et encore : « Croyez au moins à mes oeuvres, pour que vous sachiez et que vous  connaissiez que le Père est en moi et que je suis dans le Père » (Jn 10, 38).
              Et  dans un autre passage : « Les  paroles que je vous ai dites, je ne vous les dis pas de moi-même; mais le Père  qui est en moi accomplit son oeuvre.  Croyez-moi : je suis dans le Père et le  Père est en moi » (Jn 14,  10-11).
              Les  anciens écrivains ecclésiastiques s'attardent souvent à traiter de cette  compénétration réciproque des Personnes divines.  Les grecs la définissent comme perichoresis  ; l'Occident, spécialement depuis le XIe siècle, comme “ circumincession ” (compénétration  réciproque) ou circuminsession (inhalation  réciproque). 
              Le  Concile de Florence a exprimé cette vérité trinitaire par les paroles  suivantes : « Par cette unité (...) le Père est tout entier dans le  Fils, tout entier dans l'Esprit-Saint; le Fils est tout entier dans le Père,  tout entier dans l'Esprit-Saint; l'Esprit-Saint est tout entier dans le Père,  tout entier dans le Fils ».  Les  trois Personnes divines, les trois “ Distincts ”,  étant pure relation réciproque, sont le même Être, la même Vie, le même Dieu.
              Devant  ce fulgurant mystère, où on perd notre petite intelligence, monte spontanément  aux lèvres l'acclamation liturgique : 
  “ Gloire à toi, Trinité, égale, unique Déité, 
  avant tous les siècles et maintenant et pour l'éternité ”.
               “ Gloire à toi,  Trinité, égale dans les Personnes, Dieu unique,       avant tous les siècles, maintenant pour toujour ”  (Premières Vêpres de la  solennité de la Très Sainte Trinité, première antienne).
SYMBOLE “QUICUMQUE”, DIT D'ATHANASE  | 
    
« Quiconque veut être sauvé doit, avant tout, tenir  la foi catholique : celui qui ne la garde pas entière et pure ira,  sans aucun doute, à sa perte éternelle.
  
Voici  la foi catholique : nous vénérons un Dieu dans la Trinité et la  Trinité dans l'unité, sans confondre les Personnes, sans diviser la  substance : autre est en effet la Personne du Père, autre est celle  du Fils, autre celle du Saint-Esprit; mais le Père, le Fils et le Saint Esprit  ont une même divinité, une gloire égale, une même éternelle majesté.
Comme  est le Père, tel est le Fils, tel le Saint-Esprit : incréé est le  Père, incréé le Fils, incréé le Saint Esprit; immense le Père, immense le Fils,  immense le Saint Esprit; éternel le Père, éternel le Fils, éternel le Saint  Esprit; et cependant, ils ne sont pas trois éternels, mais un éternel; ni non  plus trois incréés, ni trois immenses, mais un incréé et un immense.  De même, tout-puissant est le Père,  tout-puissant le Fils, tout-puissant le Saint Esprit; et cependant, ils ne sont  pas trois tout-puissants, mais un tout-puissant.  Ainsi le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le  Saint Esprit est Dieu; et cependant, ils ne sont pas trois dieux, mais un  Dieu.  Ainsi le Père est Seigneur, le  Fils est Seigneur, le Saint Esprit est Seigneur; et cependant ils ne sont pas  trois seigneurs, mais un Seigneur : car, de même que la vérité  chrétienne nous oblige à confesser que chacune des Personnes en particulier est  Dieu et Seigneur, de même la religion catholique nous interdit de dire qu'il y  a trois dieux ou trois seigneurs.
  
Le  Père n'a été fait par personne, Il n'est ni créé ni engendré; le Fils ne vient  que du Père, Il n'est ni fait, ni créé, mais engendré; le Saint-Esprit vient du  Père et du Fils, il n'est ni fait, ni créé, ni engendré, mais il procède.  Il n'y a donc qu'un Père, non pas trois  Pères; un Fils, non pas trois Fils; un Saint Esprit, non pas trois Saints  Esprits.  Et dans cette Trinité, il n'est  aucun avant ou après, aucun plus ou plus petit, mais les Personnes sont toutes  trois également éternelles et semblablement égales.  si bien qu'en tout, comme on l'a déjà dit  plus haut, on doit vénérer, et l'unité  dans la Trinité, et la trinité dans l'unité.  Celui donc qui veut être sauvé doit croire  cela sur la Trinité.
  
Mais il est nécessaire au salut éternel de croire  fidèlement aussi à l'Incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ.  Voilà la foi orthodoxe : nous  croyons et nous confessons que notre Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, est  Dieu et homme, de la substance du Père, engendré avant les siècles; et il est  homme, de la substance de sa mère, né dans le temps; Dieu parfait, homme parfait,  composé d'une âme raisonnable et d'un corps humain, égal au Père selon la  divinité, inférieur au Père selon l'humanité.   Bien qu'il soit Dieu et homme, il n'y a pas cependant deux Christ, mais  un Christ; un, non parce que la divinité a passé dans la chair, mais parce que  l'humanité a été assumée en Dieu; un absolument, non par un mélange de  substance, mais par l'unité de personne.   Car, de même que l'âme raisonnable et le corps font un homme, de même  Dieu et l'homme font un Christ.  Il a  souffert pour notre salut, il est descendu aux enfers, le troisième jour il est  ressuscité des morts, il est monté aux cieux, il siège à la droite du Père,  d'où il viendra juger les vivants et les morts.   A sa venue, tous les hommes ressusciteront avec leurs corps et rendront  compte chacun de leurs actes; ceux qui ont bien agi iront dans la vie  éternelle, ceux qui ont mal agi, au feu éternel.
  
Telle est la foi catholique : si l'on n'y croit pas fidèlement et fermement, on ne pourra être sauvé. »
“ La Foi Catholique ”, Éditions de l'Orante 1975, traduction et présentation de Gervais Dumeige, p. 113-114.
Hérésie des IIIe et IVe siècles, niant la Trinité. Cette doctrine qui eut pour principal auteur Sabellius (excommunié à Rome, on le trouve en Égypte autour de 257). La Trinité n'est que la trinité des relations au monde (des modes de manifestation) d'un Dieu qui en soi est absolument le même et unique : Petit dictionnaire de théologie catholique de Karl Rahner et Herbert Vorgrimler.
Hérésie du IIIe siècle, qui n'eut que des représentants sans grande importance. La Trinité y est conçue de telle manière que l'unité absolue de l'essence de Dieu se brise en trois Dieux. Au Moyen Âge, également, au XIIe siècle, le Trithéisme fut la conséquence d'une doctrine incomplètement clarifiée de la trinité et fut condamné en 1215 par le IVe Concile du Latran : Petit dictionnaire de théologie catholique de Karl Rahner et Herbert Vorgrimler.
Doctrine hérétique propagée par le prêtre Arius à Alexandrie à partir d'environ 315, selon laquelle le Logos (verbe) n'est pas éternel comme le Père, Il a reçu cependant l'existence avant le temps directement du Père, comme aucune créature, mais Il n'est pas de la substance du Père. Il est ainsi à la fois engendré et créé, il n'est Dieu que par participation, comme nous. Définitivement vaincu avec le premier Concile de Constantinople en 381, l'arianisme n'avait pas seulement été une hérésie dangereuse, mais également un indice des dangers d'une certaine « politisation » de la théologie à partir de Constantin : Petit dictionnaire de théologie catholique de Karl Rahner et Herbert Vorgrimler.
(Ainsi appelée, de façon erronée, d'après l’Évêque Macédonios de Constantinople, au milieu du IVe s.). Doctrine théologique qui affirmait que l’Esprit-Saint n'était qu'une créature ou du moins, que son action n'était jamais présentée dans l’Écriture comme divine (celle d'une Personne divine). (De là le nom donné ,en grec, à ses adeptes : pneumatomaques = ceux qui combattent l'Esprit). D'autres faisaient de l'Esprit une sorte d'être intermédiaire entre Dieu et la création. Cette tendance née dans le sillage de l'arianisme, a été condamnée au Ier Concile de Constantinople : Petit dictionnaire de théologie catholique de Karl Rahner et Herbert Vorgrimler.
Jean-Paul II, " La Sainte Trinité ", audience générale du 9 octobre 1985, traduction de la Documentation Catholique, n°1906, p. 1062-1063.
Cf. Dz-Sch. 804 : Insegnamenti de Paul VI, vol. VI, p. 303.
Jean-Paul II, Unus Deus Trinitas, audience générale du 4 décembre 1985 : traduction de la Documentation Catholique, n°1910, p. 100-101.
Foi Catholique, op. cit., pp. 9-10.